Partie 3 : Kosen rufu et la paix mondiale
Chapitre 31: La grande voie vers la paix mondiale [31.11]

Notre première rencontre remonte au printemps 1972, lors des floraisons de mai. Nous nous sommes rencontrés chez le Pr Toynbee, dans son appartement de Londres. Il avait alors 83 ans, et moi 44.

J’ai entamé notre dialogue en lui faisant part de mon souhait que nos échanges puissent offrir des pistes aux personnes qui nous liraient dans l’avenir et qu’elles y trouveraient quelques conseils pour résoudre les problèmes auxquels elles feraient face.

Je n’oublierai jamais sa réponse : « Moi aussi, je pense au siècle prochain. Je suis très préoccupé, comme vous, par ce qui se passera longtemps après que vous, et certainement moi, ne serons plus de ce monde. »

Que lègue-t-on à l’humanité après sa mort ? Le Pr Toynbee m’a appris et reconfirmé l’importance de vivre sa vie en se concentrant sur cette question primordiale.

Pour moi, la réponse, c’est l’éducation. C’est l’université.

Une éducation véritable englobe toute la nature humaine, ce qui en fait une force de paix. Elle peut, par exemple, corriger et contenir la tendance de la religion à verser dans le dogmatisme. Elle peut unir les peuples et créer des liens entre eux dans le monde entier.

Plus que toute autre institution humaine, l’université peut être une source de lumière et d’espoir, qui peut éclairer de sagesse le chemin de l’humanité jusque dans l’avenir lointain.

Le Pr Toynbee a souligné un autre point essentiel : « Un être humain peut être manipulé dans la mesure où il peut être déshumanisé. » Rien n’illustre cette vérité de façon plus flagrante que l’éducation, ou endoctrinement, qui vise à glorifier, promouvoir et perpétuer la guerre.

Pendant la période sombre et folle de la Seconde Guerre mondiale, les deux premiers présidents de la Soka Gakkai, Tsunesaburo Makiguchi et Josei Toda, ont lutté, au risque et au prix même de leur vie, pour contester ce type d’éducation qui prône la guerre et pour protéger l’humanité de chaque personne contre ces manipulations. En conséquence, les autorités militaristes japonaises ont opprimé la Soka Gakkai et fait incarcérer les deux hommes pour leur pensée jugée criminelle. Le père de l’éducation créatrice de valeurs, ou éducation Soka, Tsunesaburo Makiguchi, est mort en prison à l’âge de 73 ans.

Léguer à l’humanité un monument éternel d’humanité et de justice, une citadelle indestructible pour la culture de la paix, tel était le désir ardent des deux premiers présidents de la Soka Gakkai. Je crois que c’est le cri angoissé et l’espoir de toutes celles et ceux dont les droits et les vies ont été bafoués par la violence et la tyrannie. L’université Soka d’Amérique a été fondée dans l’objectif de faire de ces espoirs et de ces rêves une réalité.

Le président Makiguchi a déclaré que le bonheur était la finalité et le but véritables de l’éducation. Dans ce pays de l’espoir, dédié à la quête de la valeur universelle du bonheur, l’université Soka d’Amérique s’efforcera toujours d’être une institution d’enseignement supérieur consacrée en premier lieu au bonheur humain.

Nous avons la croyance et la conviction que chaque personne sur Terre a droit au bonheur ; que chaque personne possède intrinsèquement la capacité d’atteindre un bonheur durable ; que c’est en accomplissant la noble mission de sa vie, qui lui est propre, que chaque personne peut connaître le plus grand bonheur, pour soi-même et pour autrui.

Le monde a besoin de dirigeants dont la philosophie et la vision peuvent éveiller chaque personne à cette mission unique, peuvent faire s’épanouir cette aptitude au bonheur et peuvent unifier l’humanité autour du noble objectif qu’est la paix. L’éducation qui forme de tels dirigeants est notre priorité absolue.

Extrait d’un message adressé à l’occasion de la cérémonie d’inauguration de l’université Soka d’Amérique, le 3 mai 2001